Comité local de Paris

Recueil d'impressions - 4 avril 2009 - Bastille

Quel plaisir de s'être rencontrés enfin hier et de constater l'énergie, l'enthousiasme et les différences qui tentent de trouver un consensus.Pour ma part, je suis très heureuse d'assister et de participer à ma mesure à la naissance et à l'évolution de ce mouvement.

Continuons à débattre, discuter, nous passionner ensemble, sans perdre de vue qu'il y a des luttes nombreuses à mener et donc aussi des actions à mettre en place.

J'ai particulièrement apprécié l'idée d'une participante (désolée, je n'ai pas retenu chaque prénom) de s'inspirer de RESF quant à leur réactivité et leur bonne organisation en réseaux pour être rapidement présents auprès de ceux qui en ont besoin et les soutenir en cas de désobéissance civile condamnée par les pouvoirs publics. Une personne proposait de constituer une cellule téléphonique (comme le 115) pour recueillir les demandes d'aide.

Voilà des idées concrètes qui me semblent très pertinentes.

D'autre part, je suis d'accord avec certains à propos de la réunion du 2 mai dont la date me paraît aussi lointaine (de plus je serai à l'étranger ce jour là, mais d'autres seront présents, ce n'est pas cela le problème). Si une date plus proche était envisageable (à nouveau dans un café ou, je renouvelle ma proposition, dans un parc) je serais motivée pour y être.

Concernant la proposition de signer la pétition pour la formation des enseignants, nous pouvons bien sûr le faire individuellement mais la signature d'un collectif a, sans doute, une autre portée. Bon dimanche à tous, au plaisir de se revoir à nouveau et de poursuivre notre correspondance stimulante par mails.

Audrey Boucourt




Présente à cette réunion, j'ai cru comprendre que certains d'entre nous souhaitaient aller tout de suite vers l'action. D'autres souhaitaient plutôt, en première approche, aller plus loin dans la parole.

Je fais partie des seconds, en sachant que la parole a des effets, sur celui qui la prononce et sur celui qui la reçoit. Il est déjà très important de se retrouver dans un groupe comme celui-là, quand on est isolé, quand on est soumis sur son lieu de travail à une hiérarchie qui cherche à "ringardiser" le souci de l'autre. On en vient parfois à douter d'avoir raison en persévérant. Or la résistance commence dans la pensée et dans la vie quotidienne. C'est là qu'elle touche et qu'elle protège le public le plus vaste qui soit : celui des gens avec lesquels nous travaillons ou que nous cotoyons.

Par ailleurs l'information convergente que nous recevons sur les luttes en cours permet à chacun d'être au courant par rapport à des champs très éloignés de sa propre pratique et de ses engagements habituels. Libre à lui ensuite de s'informer davantage et de se positionner comme il pense devoir le faire, en se solidarisant le cas échéant avec les collectifs qui en ont pris l'initiative.

Pourquoi pas des propositions invitant à des réactions rapides à l'exemple du RESF, en effet, mais à condition qu'il ne s'agisse pas de nouveaux mots d'ordre, s'imposant à une foule de militants décervelés, prompts à sauter de leur écran à leurs baskets.

Protégeons, à notre propre niveau, des espaces de pensée et de parole. L'organisation, ce peut être déjà de prévoir une suite à cette parole déjà prise.

Cordialement à tous
Raymonde Ferrandi




Pour répondre et compléter le mail de Raymonde et celui d'autres qui ont précèdé aujourd'hui, je voudrais préciser que se rencontrer a été pour moi un moment émotionnant. Juxtaposer les visages sur les écrits qui ont envahi ma boîte mail ces jours derniers, voilà qui m'a réjoui, même si bien sûr la juxtaposition n'est pas parfaite.

Je sais qu'il est indispensable de se reconnaître d'abord afin de se connaître ensuite pour pouvoir penser en sécurité et de façon constructive. Je ne crois pas qu'une oreille de RG traînait samedi au café la Bastille mais cela pourrait venir un jour ! Se reconnaître pour se connaître.

Ceci posé, une pensée qui n'aurait pas, à plus ou moins long terme, une "application" serait pour moi dénuée de sens. Encore une fois, et pardonnez-moi d'insister sur ce point, "ceux d'en face" ne sont pas des tendres. La preuve se fait, comme chacun peut malheureusement le constater, tous les jours, dans les contrôles d'identité, dans les gardes à vue innombrables (530 000 en 2007 contre 350 000 environ en 2001, etc.).
Les mots, "ils" les pervertissent sans scrupules. "Ils" reprennent les paroles de Jaurès et de Guy Môcquet avec une égale tranquillité. Les états d'âme, "ils" ne connaissent pas. La honte non plus. Le mensonge ne leur fait pas davantage peur car "ils" ont constaté que mentir le premier était plus efficace pour marquer les esprits non préparés que démentir en second. Le brouillage des messages est une science parfaitement bien maîtrisée. Je suggère un thème de réflexion: comment désamorcer la propagande intensive, comment dénoncer les contre-vérités d'une façon lisible pour le Grand Public et aussi nous-mêmes ? Je suis d'accord, la parole est une arme puissante. Ma question, éminemment pratique est : comment allons-nous nous en équiper ?

Tout ceci est de l'action. Je n'ai pas envie d'une insurrection armée. Les Forces dites de l'Ordre et qui sont devenues plus que jamais aujourd'hui les Forces de l'Ordre Etabli, sont composées d'hommes et de femmes qui pourraient être nos fils ou nos filles pour un certain nombre d'entre nous, autant que j'ai pu en juger samedi. Et puis, ils sont armés jusqu'aux dents, pas nous ! Il n'est pas question d'en découdre physiquement dans ce contexte.

Cependant, il arrive un moment où la vérité et la conviction croisent la réalité environnante. Que se passe-t-il alors ? Le fou choisit le délire, le poltron se plie, le réaliste s'adapte, l'idéaliste le refuse. Quel choix, quelle alternative ? C'est là que la réflexion entre en jeu. C'est peut-être là que l'A. des A. a un rôle à jouer.

Peut-être était-il prématuré pour une première rencontre de poser cette question d'emblée mais, fut-elle maladroite, je ne renie pas mon interrogation d'hier à ce sujet. A mon sens, une pensée qui ne fait que penser et ne s'engage pas vers une mise en action (et non vers un passage à l'acte ! ) est dénuée de sens. Et il y a beaucoup de façons de faire semblant de s'engager sans déranger, y compris soi-même. J'ai assisté jusqu'à présent à trop d'A.G, à trop de réunions syndicales et autres qui étaient surtout centrées sur le narcissisme des orateurs. Je ne veux plus participer, collaborer oserais-je dire, à ce genre de réunion : trop stérile, trop frustrant... Etre utile, c'est l'objectif.

Cordialement, et avec le grand désir de nous rencontrer à nouveau, je vous souhaite une bonne soirée.

Michel Pinardon




J'étais samedi à la Bastille, je trouve que le groupe que nous y avons formé était tout à fait particulier et riche : pas un collectif ni une nouvelle organisation mais un rassemblement de personnes en position de sujet, pouvant à la fois dire "je" et situer sa parole au niveau de l'intérêt général.

A chaque rencontre de l'Appel des appels (Aubervilliers, Montreuil) je me suis sentie en réflexion active sur ma pratique et mes positions professionnelles : est-ce que lorsque j'accepte telle cotation, telle statistique, telle évaluation interne obligatoire, je suis en accord avec mes fondements éthiques et si non, comment résister de façon opérante, c'est à dire aussi pas toute seule.

Que l'Appel des appels fasse effet de référence et de soutien pour répandre sur le terrain professionnel la résistance active ou une forme d'éveil lucide me paraît déjà une dimension précieuse et originale.

Hélène Olomucki




Selon moi l'appel des appels n'est pas amené à se substituer à un quelconque collectif, syndicat ou mouvement déjà existant un syndicat verrait d'un très mauvais %oe%il qu'on vienne chasser sur ses terres.. en revanche l'appel des appels matérialisé au travers de sa charte et des collectifs locaux a pour vocation de fédérer les mouvements existants autour des thématiques transversales à dégager (démocratie en entreprise, dispositifs d'évaluation, souffrance au travail/hors travail, fusion/rentabilité, 'usagers au centre du dispositif' dans les secteurs de l'accompagnement vers l'emploi, de l'éducation, du handicap, de la santé, du transport, de la psychothérapie, de la culture etc).

L'appel des appels comme fédération des mouvements sociaux le tissu conjonctif, le ciment, ce qui soude les combats existants, les transmets aux uns et aux autres dans le souci de mettre en exergue les convergences en vue d'une action concertée, d'un objectif supra-ordonné comme dirait l'autre.

L'un des soucis des syndicats, à ce qui m'a semblé alors que j'effleurai la CGT de ma contrée en qualité de chômeuse, c'est de trouver un moyen de « faire converger les luttes » tout en respectant les identités propres, sans menacer le travail effectué sous telle ou telle bannière.

L'appel des appels ce serait donc la possibilité de mobiliser moult individus (au sens des Lumières) qui ne souhaitent pas courir pour l'heure dans une cour plutôt qu'une autre

A ce qu'il m'a semblé alors que j'effleurai un certain syndicalisme de ma contrée, les syndicats désespèrent de recruter de nouvelles ouailleset personnellement je vois d'un très bon %oe%il que des `sujets' refusent de s'engager là non parce qu'ils préfèreraient griller des neurones disponibles devant leur TV plutôt que dans une union locale, mais bien parce qu'ils aspirent à autre chose qu'un engagement partisan et partial en rouge ou en noir ou en orange ou en mauve et vert ! Les structures pyramidales, on les vit déjà au boulot et hors boulot (bonjour monsieur le directeur, bonjour madame la conseillère pôle emploi), et comme c'est fatiguant et bouffeur de temps la guerre des chefs dans les structures qui sont censées bouger pour les intérêts de toutes et tous.

L'appel des appels donc en plate forme signifiante des luttes actuelles, en capacité de faire se mobiliser des professionnels divers pour dénoncer, pétitionner, accompagner, mobiliser d'autres professionnels, les inviter à se syndiquer là quand même pour défendre une éthique professionnelle qui bien que transversale se doit aussi d'être locale

Ma grande interrogation, moi qui bosse au milieu de gens tout à fait clairvoyants (n'en déplaise aux tenants de la théorie du moutonisme volontaire ambiant) mais opportunistes parce que dehors ça craint du boudin et qu'on a un loyer à payer, des remboursements, des enfants à élever, est comment faire pour lever la peur qui nous bouffe notre énergie et nous fait nous taire sur le lieu de travail ?

Dire c'est s'exposer à l'ire des managers, à la placardisation, à l'ostracisme enfin de ceux qui eux n'ont pas osé dire! Que faire quand on est seul à l'ouvrir ? Quand le management vous expose de manière soft - tout en sirotant le café de l'amitié - que vous devriez vous taire pour ne pas démoraliser les troupes vous qui êtes un cran au-dessus (i.e., « du fait de votre formation vous comprenez ces choses-là mais les autres heinpensez donc à leur confort psychologique que vous viendriez effondrer ») !!

J'estime justement de ma responsabilité de continuer à l'ouvrir aussi sur le mode mélancolique à la Bartleby « Non merci je préfèrerais ne pas » ; c'est scandaleux aujourd'hui, courageux mais effectivement ça ne suffit pas ! Ca ne suffit pas parce qu'on est alors le mélancolique du coin (le terme parano est en général préféré), et la mélancolie c'est par définition pas très fun, ça donne pas envie la tristesse de la réalité ambiante (« Non tu n'es pas un gentil collaborateur qu'on aime bien, tu es un salarié exploité ! »).

Il faudrait donc instaurer une mélancolie joyeuse ! La joie est sans doute à trouver dans l'action.laquelle concrètement ? Informer, discuter, commencer peut-être surtout par faire le deuil de la camaraderie avec le chef (LA grande duperie dans laquelle le management ex-68 lui-même se complaît pour se rassurer quant à la survivance de ses convictions d'antan et/ou pour mieux digérer son propre statut d'agent soumis `librement' à sa propre direction) !

Se fédérer, constituer des caisses de secours en cas de grève (combien de gens ne font pas grève parce qu'à la fin du mois, ils perdent du fric ?), être une courroie de transmission des luttes en cours (oui pour un 115 appel des appels) ! Au niveau local contacter les organisations déjà constituées pour intégrer cette fédération (syndicats, partis, collectifs)j'ai à vrai dire déjà proposé à des membres de l'association « alternatives pour une nouvelle économie en faveur de l'emploi » qui édite le site « actuchomage.org » de se joindre à la réunion de la Bastille la réponse laconique qui est tombée : « on a déjà du mal à se concerter entre assos de chômeurs, alors ! »

Comme quoi on a du pain sur la planche !

L'appel des appels, tel qu'il se nomme est un mouvement méta et en tant que tel ne peut aspirer à faire à la place de mais doit en revanche rendre compte de l'unité du mouvement existant et des actions déjà menées localement. Une telle fédération (sise rue Amelot) existe déjà mais malheureusement trop marqué idéologiquement !

La force de l'appel des appels est a priori ce relatif affranchissement « partisan ».quid donc d'un journal plate-forme, d'une émission de radio plate-forme, d'une visibilité qui s'entendrait d'autant mieux qu'elle ne porte pas d'étendard spécifique, qu'elle rassemble toute volonté de transformation sociale progressiste (si cela a encore un sens).

Puis surtout arrêter avec ce discours sur l'apathie ambiante raisonnée. Les gens ont les jetons de perdre leur taf, de voir leur salaire amputé, de voir leurs gosses pointer à pôle emploiet ils mangent encore à leur faim même à créditl'appel des appels comme entreprise de réassurance collective, comme promoteur de joie. Oui on peut, on doit dire NONavec un filet de sécurité très solide et le sentiment que cela aboutira à autre chose qu'un pet dans l'eau.

J'ai revu Norma Rae en DVD, l'histoire de cette femme du sud des US (Sally Field), paumée qui navigue à vue, qui bosse dans une usine textile où les conditions de travail sont plus que déplorables. Elle croise Ruben, un syndicaliste intello new-yorkais (pléonasme ?). D'abord apathique, incrédule, acceptant les compromissions proposées par le management pour quelques piécettes de plus par moiselle supporte pourtant difficilement de devenir la paria de son groupe d'appartenance maintenant qu'elle a été promue contremaîtreelle décide de réintégrer son poste de productionet de militer enfin.

Nathalie Sanquirgo




On dira que ne m'étant pas rendu au RV de samedi en en attendant des miracles, je fais partie des plutôt contents du déroulement de la réunion et des messages (comme celui de Nathalie) qui la prolongent. Comme l'ont demandé un certain nombre de personnes qui n'ont pu y assister, un CR n'est-il pas prévu ?

Pour ma part , je retiens deux questions sur lesquelles il nous faut encore avancer, me semble-il :

1) Comment répondre au souci de transversalité qui nous est commun et a été maintes fois évoqué (ce qui est assez logique puisqu'il est clairement le fondement même de ce qui nous rassemble) et trouver notre dénominateur commun tout en faisant valoir la variété de nos expériences particulières puisque si l'on cherche à initier des convergences, il faut quand même bien identifier ce qui a vocation à converger ?

2) Comment assurer l'articulation de la réflexion, de la parole et de l'action sans affirmer le primat, absurde à mon sens, de l'une et de l'autre, sachant que le "tu-causes..." qui ne débouche sur rien est autant à redouter qu'une action irréfléchie.

Ayant contré en cours de réunion ceux qui voulaient qu'on se réunisse en groupes de travail par thèmes, je m'offre le luxe de revenir en partie sur ma position (je continue à dire qu'il faut se garder comme de la peste des thèmes qui rétabliraient les cloisonnements socio-professionnels, tels que "éducation", "santé" ou "protection sociale") en proposant des thèmes qui me paraissent répondre à ce double souci.

a) Usage d'une langue perverse : il s'agirait de repérer le vocabulaire qui fait irruption à des moments donnés dans le discours des politiques et qui est ensuite décliné simultanément dans plusieurs secteurs (d'où l'intérêt de l'échange de nos expériences) où il s'impose au fil des exposés des motifs, circulaires d'application ou commentaires des gestionnaires. Je pense à des mots comme "diversité", "évaluation", "droits-et-devoirs"... L'action de ce groupe pourrait être la réalisation de ce dictionnaire de la novlangue que j'ai proposé samedi, étant entendu que ce serait l'occasion de mettre en évidence le double mouvement qui préside à la constitution d'une novlangue : détournement, voire inversion du sens d'un terme courant et construction d'une idéologie par propagation de l'usage de ce terme dans sa nouvelle acception.

b) La dictature du chiffre : là encore, il s'agit de faire le recensement de tout ce qui est imposé aux et aux autres au nom de qu'on ose encore appeler "culture" du résultat, celui-ci ne pouvant être bien sûr apprécié qu'en termes comptables au nom d'"indicateurs" plus consternants les uns que les autres. L'action pourrait être encore là la publication d'un Livre noir de la comptabilité.

c) La désobéissance civile : il convient de réfléchir aux moyens, là où nous sommes, de ne pas faire ce qu'on attend de nous et de faire ce que l'on attend pas.

d) les réseaux de solidarité : il est en effet urgent de mettre en commun les affaires dont nous avons connaissance et de faire exploser les carcans qui inhibent les élans de solidarité face à toutes les formes de répression qui se mettent quotidiennement en place, qu'elles soient judiciaires ou disciplinaires : il y a ce qui est connu, comme les poursuites visant la fantasmatique ultra-gauche (à Tarnac et ailleurs) ou les sans-papiers (pas seulement les familles, mais aussi par exemple les "incendiaires" des centres de rétention) pour lesquels la mobilisation patine, faute d'abord sans doute, entre aux raisons, d'analyse politique du sens de la répression (pourquoi décide-t-on de frapper précisément ceux-là ? Qu'incarnent-ils ?) et et il y a ce qui reste confidentiel au-delà des limites de telle profession ou groupe social pour lequel l'occasion nous est donnée d'élargir les mobilisations.

J'attends les réactions, mais je pense que ce ne serait pas mal si après les compléments et clarifications nécessaires, on pouvait mettre en place pour le 2 mai des groupes de travail sur ce modèle.

François Brun