Une claque qui en appelle d’autres…

Hier soir, le Conseil constitutionnel a infligé un véritable
camouflet au gouvernement en censurant treize dispositions de la «
LOPPSI 2 », véritable monstre législatif devenu la pierre angulaire
des orientations politiques les plus répressives promues par l’UMP.

Au-delà, c’est le président de la République lui-même qui est
sévèrement tancé. En effet, ce texte – comme la « loi Besson » –
avait été considérablement durci à la suite du « discours de
Grenoble ». Or, les « Sages » sont venus rappeler les principes
constitutionnels que Nicolas Sarkozy, dans sa hargne sécuritaire
exprimée cet été contre les récidivistes, les mineurs, les
étrangers et les Roms s’était permis d’évacuer d’un coup de menton :


- non, la surveillance de la voie publique ne peut être déléguée à
des personnes privées via l’exploitation de systèmes de
vidéosurveillance ;


- non, des prérogatives de police judiciaire ne peuvent être
attribuées aux agents de police municipale qui ne sont pas soumis
au contrôle de l’autorité judiciaire ;


- non, les mineurs primo-délinquants ne peuvent se voir appliquer
des peines-planchers ni être convoqués directement devant le
tribunal pour enfants par le procureur ; de même, leurs parents ne
peuvent être sanctionnés pénalement pour une infraction commise par
leurs enfants ;


- non, les mal-logés et les gens du voyage installés sur des
terrains pour y vivre ne peuvent être évacués de force sur simple
décision préfectorale ;


- non, les audiences relatives aux étrangers ne peuvent être
tenues, au secret, dans les centres de rétention administrative.


Manifestement, le Conseil constitutionnel ne pouvait pas rester
totalement sourd aux échos de l’exceptionnelle mobilisation qui
s’est formée contre ce texte.


Le message est clair : ceux qui, au sein de la majorité et du
gouvernement, se targuent d’assumer sans complexe le « risque de
l’inconstitutionnalité » pour traduire dans la loi leur idéologie
primaire, encourent la censure d’un Conseil dont les membres ne
sont pourtant guère susceptibles de passer pour de farouches
ennemis du pouvoir…


Le sévère rappel à l’ordre ainsi adressé à une droite qui ne voit
son salut que dans la surenchère, consacre pourtant, en creux, le
succès d’une stratégie qui a consisté à surcharger la loi de
dispositions répressives à la constitutionnalité douteuse pour
mieux assurer l’adoption de certaines d’entre elles.


La décision du Conseil constitutionnel trace en effet de subtils
contours et de fragiles distinctions pour valider nombre de mesures
dont le contenu aurait pourtant justifié une censure plus large :


- extension et interconnexion des fichiers de police ;


- peines-planchers contre des personnes sans antécédent judiciaire ;


- transmission systématique au préfet et au conseil général des
décisions pénales concernant les mineurs ;


- blocage de sites internet sans intervention judiciaire ;


- placement d’étrangers sous surveillance électronique mobile par
l’autorité administrative, etc.


Il était sans doute illusoire d’espérer une décision plus exigeante
compte tenu des vices affectant les modalités actuelles de
désignation des membres du Conseil...


C’est pourquoi le succès que la droite s’autorise à revendiquer –
non sans cultiver le déni de réalité – n’est pas entièrement
chimérique : elle peut se satisfaire d’avoir encore progressé dans
son entreprise d’aggravation continue de l’arsenal répressif et ce,
au mépris des principes démocratiques.


Alors que des textes en cours d’examen (projet de « loi Besson »)
ou en préparation (réforme de l’application des peines) relèvent de
la même stratégie, cette décision ne peut donc faire oublier
l’importance des combats qui restent à mener. A cet égard, le
Syndicat de la magistrature appelle l’ensemble des partis
d’opposition à rompre clairement avec l’idéologie qui a conduit à
cet empilement de textes liberticides et à extraire de notre droit
ce « bloc d’inconstitutionnalité ».

Pour lire la décision du Conseil constitutionnel

Pour lire le communiqué du Conseil

Par Roland Gori, à lire dans Libération