Un scandale hospitalier ébranle le système de santé britannique

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par Estelle Shirbon

LONDRES (Reuters) - La mort dans des conditions sordides de centaines de patients d'un hôpital anglais, privés d'eau, de nourriture et d'hygiène élémentaire, met en évidence l'urgence d'une remise en question du système de santé publique (NHS) en Grande-Bretagne, souligne un rapport publié mercredi.

Le scandale de l'hôpital de Stafford, dans le centre de l'Angleterre, où de 400 à 1.200 patients ont succombé à diverses privations entre janvier 2005 et mars 2009, est l'un des plus graves qui a affecté le NHS depuis sa création en 1948.

"Certains patients étaient tellement assoiffés qu'ils buvaient l'eau sale des vases", a déclaré le Premier ministre britannique devant le Parlement.

Qualifiant les événements de Stafford de "catalogue ignoble de défaillances médicales et d'encadrement", David Cameron a présenté au nom du gouvernement et du pays tout entier ses excuses aux familles des victimes.

L'auteur du rapport de 3.000 pages, l'avocat Robert Francis, a de son côté déclaré que son enquête avait mis en lumière "les souffrances écoeurantes et inutiles de centaines de personnes".

"Elles ont été abandonnées par un système qui a ignoré les signaux d'avertissement et qui a fait passer les intérêts de l'entreprise et la réduction des coûts avant la sécurité des patients", a-t-il dénoncé à la télévision.

Le NHS, qui fournit des soins gratuits aux Britanniques les plus défavorisés, est une institution qui faisait encore il y a peu la fierté de la Grande-Bretagne, au point d'avoir été placé au coeur de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Londres l'été dernier.

Le choc est donc à la mesure de l'horreur des événements de Stafford.

"Les patients âgés et vulnérables n'étaient ni lavés, ni nourris, ni désaltérés. Ils étaient privés de dignité et de respect. Certains patients devaient se soulager dans leur lit quand personne ne les aidait à aller à la salle de bain", a témoigné Robert Francis.

CHANGEMENT DE CULTURE

L'auteur du rapport a raconté que certains patients reposaient sur des draps souillés ou encore que les médicaments prescrits n'étaient pas administrés.

"Il est difficile de croire que tout cela est arrivé dans un hôpital du NHS", a-t-il conclu.

Robert Francis dénonce plus largement dans son rapport la culture du secret du système de santé et sa capacité à ignorer voire à faire taire tous ceux qui ont lancé des mises en garde ou ont posé des questions.

L'avocat décrit des directeurs hospitaliers tellement obsédés par les objectifs bureaucratiques et l'équilibre des comptes requis pour que leur établissement bénéficie du label "NHS Foundation Trust" qu'ils en négligeaient totalement la qualité des soins.

Selon lui, c'est donc d'un changement de culture, et non de système d'organisation, que le NHS a besoin.

Parmi les 290 recommandations du rapport figure notamment l'adoption d'un "devoir de franchise" qui contraindrait médecins et infirmières à reconnaître quand une erreur a été commise et les exposerait à des poursuites pénales en cas de non-respect de cette règle.

David Cameron a souligné devant le Parlement que les défaillances généralisées mises en évidence par le rapport "ne permettent pas d'assurer que les défauts de soins étaient cantonnés à un seul hôpital".

Le Premier ministre a promis de nommer un inspecteur général des hôpitaux et de renforcer le système d'inspections d'ici l'automne prochain.

"Ce qui fait la valeur de notre NHS, c'est un principe très simple: qui que vous soyez, d'où que vous veniez, quel que soit votre problème ou le montant de votre compte en banque, il y a un endroit où vous pouvez aller et où on s'occupera de vous", a-t-il rappelé.

"L'épouvantable vérité, c'est que ce précieux principe de la vie britannique a été trahi."

Tangi Salaün pour le service français

Par Roland Gori, à lire dans Libération