Réaction de la Convergence des Psychologues en Lutte suite à l'interview de Emmanuel Macron par HugoDécrypte

Le communiqué ci dessous constitue la réaction de la Convergence des psychologues en lutte (CPL) aux propos tenus par Emmanuel Macron lors d’une interview récente réalisée par HugoDecrypte  https://www.youtube.com/live/3Z6HnUJ3hcw?si=VuF3Cbj81vmjtCYG

La parole publique à laquelle la CPL réagit à travers ce communiqué n’est pas celle de n’importe qui. Elle est celle du Président de la République et la CPL souhaite rendreici  attentive la représentation nationale (nos députés) à ce que les psychologues pensent de la manière dont le chef de l’État les considère et de la manière dont il traite les citoyens en situation de souffrance psychique.

Lire également ci -dessous, sur ce sujet, l'interview d' Albert Ciccone (dans Lyon Capitale, nov. 2023, n° 837)

Réaction de la Convergence des Psychologues en Lutte suite à l’interview d’Emmanuel Macron 

par Hugo Décrypte, le 4 septembre 2023


Des propos erronés , voire mensongers, une méprise affichée et  assumée 

Nous, psychologues, sommes très nombreux à avoir été choqués, voire scandalisés par les propos qu’un Président de la République peut tenir aujourd’hui sur la santé mentale et sur les psychologues. Ces propos martelés avec certitude lors de l’interview donnée par Hugo Décrypte, sans contradicteurs, témoignent pourtant d’une réelle méconnaissance d’un secteur important du champ de la santé et d’une parfaite ignorance de la spécificité des missions, du statut et de la fonction des psychologues et de ce pour quoi ils ont été formés. Une telle incompétence au plus haut sommet de l’État ne peut que nous inquiéter et nous parait aujourd’hui, dans le contexte actuel, dangereux pour la santé mentale de nos concitoyens. 

Non, M. le Président, la prise en compte de la santé mentale ne se réduit pas à une question de « diagnostic », terme que vous ne cessez de scander. Vos conseillers vous conseillent mal.  

Votre Ministère de la Santé a réduit le travail de soin à l’« évaluation » et à l’« orientation », là où des équipes, qui savaient très bien « diagnostiquer», étaient compétentes pour « soigner ». 

Non, M. le Président, si à l’Université on ne trouve qu’un psychologue pour15000 étudiants, ce n’est pas dû à la pénurie de psychiatres. Chaque fois que vous êtes interrogé sur les psychologues vous répondez en parlant des psychiatres. 

Les psychologues sont là. Il n’y a aucune nécessité d’attendre 10 ans pour créer massivement des postes de psychologues à l’Université, comme dans l’Éducation Nationale, et comme dans l’ensemble des services publics de santé. Il suffit de le décider. 

Non, M. le Président, les dispositifs que votre Ministère de la Santé a mis en place ne sont pas efficaces. Les lieux de prise en charge de la souffrance psychique, gratuits pour la population, existent. Ils s’appellent le « service public ». Vous l’avez démantelé et avez ubérisé le travail de soin psychique. Les sommes engagées dans Mon parcours Psy (devenu Mon soutien Psy) auraient permis de créer 4000 postes de psychologues dans le service public actuellement exsangue.  

Vous vous félicitez d’avoir donné des milliards à l’hôpital – en réalité19 milliards sur 10 ans pour l’hôpital et la ville, le sanitaire et le médico-social, le privé et le public, ce qui représente 1,9 milliard supplémentaire par an pour tout ce petit monde dont le budget global sur 10 ans est de 2000 milliards. Ce petit monde qui s’écroule ensemble progressivement. Et évidemment quasiment aucune création de postes de psychologues, qui pourtant ne manquent pas, dans les services publics ou le médico-social, pour assurer le rôle de prévention qui vous est cher.  

 

Ne pas soutenir les services publics et laisser notre pays perdre son système de santé de qualité est irresponsable, M. le Président.  

 

Non, M. le Président, ce n’est pas exclusivement de prise en charge « médicale » dont ont besoin nos concitoyens qui sont en situation de souffrance psychique. Ils ont aussi besoin des psychologues.  

 

Et non M. le Président, les psychologues ne sont pas des « paramédicaux ». La psychologie est une science « humaine ». La santé mentale n’est pas qu’une affaire de médecine, elle est aussi une affaire d’humanité. Et les psychologues sont toute leur place dans la réponse à donner à la souffrance psychique. Même l’OMS ne s’y trompe pas. La définition qu’elle donne de la santé mentale, et que vos conseillers semblent ignorer, est une définition démédicalisée, dépsychiatrisée. 

 

Non, M. le Président, les psychologues ne sont pas moins bien formés que les psychiatres, notamment en matière de psychopathologie, pour ceux d’entre eux qui travaillent dans le champ de la souffrance psychique. Non seulement certains sont détenteurs d’un doctorat universitaire – diplôme qui donne un grade supérieur à celui que donne un diplôme d’État de docteur –, mais les psychologues se soumettent par obligation à une formation continue tout au long de leur carrière.  

Et les psychologues ne vous ont pas attendu pour travailler, depuis qu’ils existent, en étroite collaboration avec leurs collègues psychiatres comme avec tous les autres praticiens, médecins ou paramédicaux. Non M. le Président, personne ne vous doit d’avoir créé le moindre lien entre psychologues et psychiatres. 

Qu’est-ce qui justifie, M. le Président, autant de discrédit et de dévalorisation de votre part à l’égard des psychologues ? Où est le dialogue auquel vous faites croire ? Nous avez-vous rencontrés ?  

Tout comme le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale à coup de 49.3, ce qui n’est jamais arrivé depuis que le Parlement examine ces projets de loi (c’est-à-dire depuis 1996), vous voulez faire croire que vous réfléchissez avec les professionnels aux mesures à prendre en termes de santé mentale pour nos concitoyens.  

M. le Président, sachez que les psychologues continueront de boycotter vos dispositifs inadaptés et inefficaces. Écoutez nos propositions, M. le Président, au lieu de rester sourd à la parole des psychologues. Vous êtes vraiment soucieux de l’état mental de vos administrés et intéressé à comprendre les logiques de leur souffrance psychique ? Nous sommes à votre disposition, M. le Président.


_________________________________________________

Les grandes gueules  « LA PSYCHOLOGIE A UNE FONCTION SOCIALE » Albert Ciccone, psychanalyste 

Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?  

Albert Ciccone : Il me faudrait une définition de ce terme pour vous répondre. Disons que je peux m’indigner. J’aime beaucoup l’essai de Stéphane Hessel, Indignez-vous !, dans lequel il montre bien combien il est important de s’indigner pour résister aux aberrations, notamment celles du néolibéralisme. 

 Quel est votre dernier coup de gueule ?  

Celui qui nous a conduits, les milliers de psychologues réunis dans l’association Convergence des psychologues en lutte, à réagir par un communiqué, très largement diffusé, aux propos d’Emmanuel Macron lorsqu’il a été interviewé par HugoDécrypte, le 4 septembre dernier.  

Dans quelle mesure cette “incompétence au plus haut niveau de l’État”, que vous dénoncez, est-elle dangereuse pour la santé mentale ?  

La parole publique à laquelle nous avons réagi n’est pas celle de n’importe qui, elle est celle du président de la République. Les propos qu’il a tenus sur la santé mentale, sur les psychologues, témoignent d’une grande mécon-naissance du champ de la santé mentale et d’une ignorance des missions, du statut et de la fonction des psychologues. 

 Les psychologues qui sont des acteurs centraux et qui ont toute leur part et leur place dans la prise en compte de la souffrance psychique des citoyens. La manière dont le chef de l’État les traite est inadmissible. Et sa posture est, d’ailleurs, la même à l’égard de l’ensemble des soignants et des services de soins.  

Une telle incompétence à ce niveau-là de l’État ne peut qu’inquiéter les pro-fessionnels du soin et les citoyens qui ont besoin de leur aide.  

Vous êtes signataire de la Convergence des psychologues en lutte, qui a émergé en février 2022, pour refuser “le massacre” de la profession mis en œuvre par des “logiques purement comptables et technocratiques, aveugles et ignorantes des soins psychiques”. Dit autrement, estimez-vous que le gouvernement a une définition déshumanisée de la santé mentale ?  

C’est peu dire. Le positivisme, le technicisme, le scientisme, le technocratisme qui caractérisent le discours dominant actuel est désubjectivant et déshumanisant. Ce n’est pas la santé mentale qui est déshumanisée, c’est le soin tel qu’il résulte des contraintes imposées aux soignants. Les pressions que ces derniers subissent fabriquent des pratiques déshumanisées et déshumanisantes.  

Le problème est la prolifération du modèle positiviste et productiviste de l’économie de marché, la colonisation de tout le champ social dont celui de la santé par la langue marchande, ce qui a des effets de dérive sur les pratiques. On désigne par exemple à l’hôpital les patients qui restent hospitalisés par “le stock”, et ceux qui passent peu de temps par “le flux”. Il s’agit donc de gérer les flux et les stocks. On sait que les hôpitaux sont gérés comme des entreprises, que le souci premier est la rentabilité. Tout cela conduit à des pratiques qui, bien souvent, ne respectent pas les sujets dont on est censé prendre soin. Tout cela est déshumanisant.  

En quoi la prise en compte de la santé mentale ne se réduit-elle pas à une question de diagnostic ?  

Le diagnostic est important, évidemment, mais poser un diagnostic n’équivaut pas à soigner. Or, c’est ce qui se passe souvent dans des institutions qui avaient une longue expérience et une grande expertise du soin psychique, et dont on a réduit les pratiques, pour des raisons écono-miques et idéologiques, à une fonction de diagnostic, ou d’évaluation et d’orientation. Orientation, on ne sait pas où car il n’y a plus personne pour soigner. Des professionnels du soin, expérimentés, aguerris, ont subi une véritable casse de leur profession, que l’on a voulu réduire à celle d’un technicien remplissant une fiche diagnostique. Ce n’est pas cela soigner. Et de nombreux professionnels qui étaient très compétents ont dû quitter, la plupart du temps le coeur amer, ces institutions qui ne soignent plus. Ils renoncent à leur travail, parfois à leur profession, aussi parce qu’ils ne sont plus respectés les services ferment, sont démantelés, et la population ne peut plus être aidée et soignée comme elle devrait l’être. Mon ami Roland Gori [psychanalyste, NdlR] a très bien décrit, depuis longtemps et dans de nombreux ouvrages, les logiques de cette casse des professions, pas seulement dans le champ de la santé mais aussi dans celui de l’éducation, de la justice, du journalisme… 

 Allez-vous jusqu’à dire que la santé mentale est bannie de la société ? C’est tout le système de soin, de soin psychique comme de soin somatique, qui est l’objet d’une casse considérable. Et tout le service public. Les services de soin sont dévastés, asphyxiés, poussés à l’agonie, les moyens donnés au service public – aussi bien, je le disais, dans le champ de la santé que de l’éducation, la justice ou autre – ne lui permettent même pas de survivre, l’obligent à trier les citoyens qui pourront en bénéficier. Ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé laissent notre pays perdre ses services publics et son système de santé de qualité, ce qui est totalement irresponsable.  

Que recouvre la notion de santé mentale au juste ?  

C’est une notion complexe qui mériterait un long développement. Mais on peut reprendre ici tout simplement la définition que donne l’Organisation mondiale de la santé. En gros, cette définition stipule que la santé mentale représente bien plus que l’absence de trouble, de handicap. La définition de l’OMS parle de la pos-sibilité pour chacun d’affronter les sources de stress de la vie, de se réaliser ou de réaliser son potentiel, de pouvoir apprendre, travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. Elle dit aussi que des déterminants aussi bien individuels que sociaux ou structurels peuvent se combiner pour, tout au long de la vie, protéger ou compromettre la santé mentale. Cette définition a le mérite de démédicaliser, de dépsychiatriser la santé mentale. Cette dernière n’est pas le do-maine réservé de la médecine et de la psychiatrie. Et les réponses à donner aux citoyens en situation de souffrance psychique ne relèvent pas du champ strict et exclusif de la médecine et de la psy-chiatrie.  

Comment les problèmes de santé mentale ont-ils été, au fil du temps, réduits à la psychiatrie ? 

 Il faudrait une étude historique approfondie pour répondre à cette question. Je dirai simplement qu’un élément de réponse se trouve dans le crédit dont bénéficie la médecine et la puissance du pouvoir médical en France. La croyance en la médecine est due en partie à sa capacité à réparer, qui est effective, même si elle ne répare pas tout et pas toujours. Elle répare suffisamment pour assurer la crédibilité de son pouvoir d’exorcisme. Elle peut ainsi entretenir la croyance à la curabilité du “mal”. Même si elle est occasionnellement ou temporairement démentie, la promesse de vie peut être suf-fisamment tenue. Le problème est que dans le champ “psy”, le rapport s’inverse souvent. Mais même si la médecine est relativement impuissante en ce domaine, elle continue de bénéficier de la croyance en sa toute-puissance. L’autre élément de réponse se trouve sans doute dans le rapport de la médecine au pouvoir. Il suffit de compter le nombre de médecins à l’Assemblée nationale, c’est impressionnant. Le pouvoir médical et surtout le pouvoir administratif qui l’oppresse font croire que rien ne peut se faire sans la médecine, sans prescription médicale, sans contrôle médical, etc. Ce que les médecins de terrain eux-mêmes, d’ailleurs, bien souvent, n’ont pas du tout envie de faire, ils ne se sentent pas dans une telle disposition. Les choses ne sont pas ainsi partout, dans d’autres pays elles sont bien différentes. 

 En 2021, les psychologues se sont massivement mobilisés contre l’ubérisation de leur profession. Qu’entend-on par-là ? 

 L’ubérisation c’est le désengagement de l’État, qui ne veut plus s’occuper vraiment des citoyens en situation de souffrance psychique, et qui, après avoir asphyxié le service public et instauré une situation de misère, exporte dans le secteur libéral la prise en charge de cette souffrance, par l’intermédiaire de tout un tas de dispositifs low cost et via, bien sûr, des plateformes numériques. Tout cela repose sur une illusion de prise en compte du problème. L’État fait croire qu’il va s’occuper de la santé mentale des gens qui font la queue, parfois pendant des années, devant les CMP (centres médico-psychologiques), en leur faisant faire un petit tour de huit séances chez un psychologue libéral inscrit sur une plateforme, pour revenir ensuite prendre un nouveau ticket dans la file d’attente, c’est-à-dire revenir à la case départ, car évidemment rien ne sera réglé. Brader la pratique des psychologues n’aide aucun citoyen, ne soigne personne mais crée par contre de l’inégalité dans la population qui a besoin de soins psychiques.  

Selon le baromètre santé mené en 2021 par Santé publique France, publié en février dernier, un jeune adulte sur cinq présente des troubles dépressifs. En hausse de près de 80 % par rapport à 2017. Comment expliquez-vous le mal-être de cette génération ? Et que dit de nous, la société, cet état dépressif de notre jeunesse française ?  

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’un trouble dépressif, une anxiété, une angoisse, un mal-être ne sont pas forcément des maladies. Les souffrances psy-chiques font partie de la condition humaine. Elles ne sont pas toujours des maladies. Elles n’ont pas à entrer systématiquement dans des logiques médicales. Être angoissé devant une situation pro-blématique, être déprimé devant une perte, un deuil, être anxieux devant une épreuve, ce n’est pas être malade. C’est plutôt l’absence de tous ces éprouvés qui serait inquiétante. Grandir, rencontrer la réalité, l’altérité, confronte inévitablement à des vécus douloureux, à la souffrance psychique. La question est : com-ment a-t-on appris à transformer ou pas ces douleurs inévitables ? Quelles fonctions parentales, adultes, protectrices a-t-on rencontrées dans son enfance, dans sa vie, et a-t-on pu intérioriser pour se consoler des épreuves que la vie réserve ? La “parentalité” qui devrait prendre soin de chacun est celle des parents mais pas seulement, c’est celle de tous les adultes qui s’occupent des enfants, celle des institutions qui ont la responsabilité de sujets qu’elles aident à grandir, qu’elles éduquent, qu’elles instruisent, qu’elles soignent, c’est celle du social, du politique, qui ne prend pas suffisamment soin des sujets citoyens.  

Les thérapies très contemporaines telles que les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont dans tous les médias. Qu’en pensez-vous, vous qui avez investi la question de l’inconscient pour comprendre la personne humaine ?  

Je ne sais pas si elles sont très contemporaines, leurs fondements remontent à bien longtemps. Par contre, elles correspondent au discours social dominant, elles sont solubles dans les conceptions actuelles du soin et la demande de réponse immédiate, rapide. La souffrance n’est pas explorée dans sa dimension subjective, 20 historique, signifiante, rela-tionnelle, adressée, c’est-à-dire complexe, elle est réduite à un trouble cognitif et/ou comporte-mental qu’il suffit de supprimer. Le sujet n’est pas un sujet, il est une somme de compétences cérébrales et comportementales. C’est cela la désubjectivation dont je parlais précédemment. Mais, fort heureusement, les citoyens ne se laissent pas réduire de la sorte, et vous aurez remarqué que très contemporainement aussi une série a fait un carton en France : En thérapie. Cela montre bien que les gens n’ont pas besoin d’être réduits à leur cerveau, ils ont besoin d’écoute et de parole.  

L’heure est également aux neurosciences, aux troubles du neurodéveloppement, à l’imagerie cérébrale. Qui faut-il écouter pour comprendre ce qui se passe dans nos têtes ?  

Je ferai la même réponse. Le problème n’est pas les neurosciences ni les scientifiques de ce champ, qui apportent des éléments tout à fait importants et pertinents, et qui sont, comme tous les scientifiques, bien plus humbles que ne le sont ceux qui utilisent leurs travaux et leur font dire plus que ce qu’ils disent. Le problème est ce que le discours social fait de leur science, et la réduction de l’être humain à son cerveau. Par exemple, un énoncé décrivant les traces subjectives et psychiques d’un traumatisme et un énoncé décrivant les traces cérébrales du même traumatisme disent exactement la même chose. Le premier n’est que la version psychologique du second qui n’est que la version neurologique du premier. Mais le second sera dans les temps actuels beaucoup plus audible, parce qu’il se réfère davantage à la “science”, qui est supposée dire le vrai.  

Dans un essai paru en 1968, le psychologue Marc Richelle dénonçait la psychologisation massive de la vie publique et privée. Un demi-siècle plus tard, que répondez-vous ?  

Je répondrai que tout le monde a besoin de la psychologie. Ce n’est pas un hasard si les études de psychologie sont, avec les études de droit, celles qui attirent le plus d’étudiants, même si tout le monde ne deviendra pas psychologue. La psychologie a une fonction sociale. 

 Tous les événements de vie ne tendent-ils pas, aujourd’hui, à devenir des “traumatismes” et les sujets des victimes ?  

Tout dépend de la définition que l’on donne à ce terme. Dans tous les cas, lorsqu’un sujet a été victime d’un traumatisme, il est extrêmement important de le reconnaître. Il faut reconnaître la situation de violence, de traumatisme. Dans un deuxième temps, le sujet pourra explorer, avec l’aide d’un soignant, en quoi il y est peut-être pour quelque chose, en quoi il a participé à la création de la situation dont il souffre. Notamment lorsque, comme cela arrive souvent, le sujet répète des relations toxiques, des liens souffrants, des expériences trau-matiques. 

 

 Un an et demi après son lancement, quel bilan faites-vous du dispositif pensé par le gouvernement MonsoutienPsy permettant aux jeunes de bénéficier de huit séances chez le psy remboursées par l’assurance maladie, les mutuelles ou les complémentaires santé ? C’est un dispositif inadéquat, qui a des effets délétères pour les patients comme pour les psychologues. La Commission des affaires sociales, elle-même, a déposé un rapport d’information dans lequel elle met en évidence le fiasco de ce dispositif. Le rapport souligne par ailleurs la façon dont le service public est sinistré, les besoins urgents en psychologues, et la nécessité qu’ils aient un salaire décent. Il présente deux options, et celle que nous retenons est bien évidemment l’abrogation totale du dispositif et le re-déploiement des moyens. Le coût de MonsoutienPsy est de 170 millions d’euros par an, ce budget permettrait de créer plus de 4 000 postes de psychologues dans le service public ! Concernant les mutuelles, il faut souligner leur désengagement. Ce dispositif est un cadeau énorme fait aux mutuelles : celles qui remboursent actuellement quatre fois soixante euros soit 240 euros par an, voire dix fois soixante euros soit 600 euros par an pour tous leurs adhérents, sans discrimination, ne rembourseront plus que huit fois 40 % de trente euros, soit 96 euros pour à peu près personne !  

Si vous étiez ministre de la Santé, quelle serait votre première décision ?  

Loin de moi une telle idée, je ne peux que difficilement m’imaginer à cette place. Ce que nous attendons du ministre de la Santé est bien sûr qu’il abroge MonsoutienPsy, mais surtout qu’il rende sa dignité à notre système de santé.  

Et maire de Lyon ?  

Je suis suffisamment incompétent et trop respectueux de cette mission pour répondre à cette question. Comme je me déplace beaucoup, quasiment toujours en train, je pourrais demander de faire quelque chose pour que les trains ne soient jamais annulés et toujours à l’heure… mais j’ai comme le pressentiment qu’un maire ne peut rien à cela. 

 Qu’aimez-vous par-dessus tout à Lyon ? C’est une question difficile pour un Stéphanois de coeur… Le vieux Saint-Jean, parce qu’un vieil ami, chanteur connu dans la région et bien au-delà, Michel Corringe, qui a longtemps vécu à Lyon, décédé depuis quelques années et à qui un hommage grandiose a été rendu récemment, avait composé et chantait une magnifique chanson sur une amitié dans ce quartier.  

Que détestez-vous ?  

Le vieux Saint-Jean, parce qu’il me rappelle ces souvenirs.  

Quels sont vos héros ? J’en ai trop pour les citer tous. Si je me limite à la psychanalyse (mais je ne suis pas sûr que ce soit le sens de votre ques-tion), je dirai Wilfred Bion, Donald Meltzer et Salomon Resnik. Et vos zéros ?

’ai oublié de vous demander si j’avais droit à un joker… Tant pis, je le joue là.  

PROPOS RECUEILLIS par Guillaume lamy  

Lyon capitale //  novembre 2023 //N°837 

Par Roland Gori, à lire dans Libération