L’adoption au Sénat, par la majorité LR, de la proposition de loi n°385, accompagnée de la consécration institutionnelle de la Fondation FondaMental, acte une dérive grave de la politique de santé mentale en France.

Texte à lire sur le site de l'Evolution Psychiatrique

Sous couvert de modernisation et d’efficacité, cette loi entérine une transformation profonde et inquiétante de la psychiatrie : son arrimage définitif à une logique technocratique, arrimée à des enjeux privés et financiers.  

Malgré une mobilisation inédite et massive des professionnels et une pétition ayant réunie plus de 23 000 signataires, c’est une fondation privée qui installe sa gouvernance dans le champ de la psychiatrie publique.

La promotion massive des dispositifs dits « centres experts » repose sur une illusion : celle qu’un diagnostic objectivé, rapide et standardisé pourrait faire office de soin. Cette confusion entre expertise et clinique est dangereuse. Elle nie ce qui fonde l’acte psychiatrique : le temps, la responsabilité du praticien, l’inscription dans une relation et la prise en compte de la subjectivité.

Pendant que l’on célèbre la soi-disant excellence scientifique sous les ors du Sénat, la psychiatrie publique de secteur est méthodiquement démantelée. Les équipes, déjà exsangues, continuent pourtant d’assurer l’accompagnement des patients les plus gravement atteints, souvent dans des conditions difficiles. L’extension des centres experts ne répond en rien à cette crise : elle la recouvre d’un vernis d’innovation, tout en organisant une sélection implicite des patients et des pratiques.

 Ce modèle prépare une psychiatrie de surplomb, gouvernée par des protocoles et des recommandations transformées en injonctions, où le clinicien est remplacé par un pseudo expert, évaluateur plutôt que soignant. Ce qui se dessine est une psychiatrie désincarnée, coupée de la souffrance réelle et de la subjectivité des patients.

Nous refusons cette orientation. La psychiatrie n’est ni une spécialité d’ingénierie diagnostique ni une variable d’ajustement des politiques de santé. Elle engage une éthique, une clinique et une responsabilité.

En consacrant l’expertise au détriment du soin, la PPL 385 affaiblit la psychiatrie et trahit les patients.

Le texte va maintenant être examiné à l’Assemblée nationale. A nous de nous mobiliser pour contrer cette orientation désastreuse.

Le Bureau de l’Evolution psychiatrique

Par Roland Gori, à lire dans Libération