Soutenez l'Appel des Appels
Madame la secrétaire d’État,
Contrairement, Madame, à ce que vous affirmiez dans le numéro 159 de la revue Direction(s) en décembre 2017, la France a de multiples raisons de rougir de sa politique du handicap.
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler le nombre de personnes handicapées, en demande, elles-mêmes ou leurs familles, d’une place dans un établissement d’accueil, d’éducation et de soins : 45 000 selon l’UNAPEI, que vous connaissez bien !
Madame la secrétaire d’État, nous sommes en désaccord profond avec la désinstitutionalisation, que vous appelez prudemment « transformation de l’offre médico-sociale », parce qu’avant tout elle dénature la réalité quotidienne de nos institutions médico-sociales et que le projet que vous faites de leur remplacement par des plates-formes de services et de prestations, sans attaches institutionnelles protectrices et avec un gestionnaire de cas, est des plus inquiétants.
Le « social », Madame, n’est pas un marché et les personnes accompagnées ne sont ni des cas, ni des consommateurs, ni des clients !
La désinstitutionalisation fait particulièrement peur à nombre de familles d’enfants et d’adultes en situation de handicap, celles du moins qui ne se laissent pas berner par les illusions d’inclusion et ce que vous qualifiez de « hors les murs ». Elles ont, en effet, bien compris que la totalité de la charge du handicap de leur enfant ou de leur enfant devenu adulte allait leur revenir et elles posent obstinément au moins trois questions cruciales :
1- Qui pour assurer à demeure, en permanence, nuit et jour, l’indispensable présence auprès de leur enfant ou adulte handicapé ?
2- Qui pour organiser ses soins au quotidien et avec quel financement ?
3- Qui pour négocier le prétendu accès au droit commun ou à l’inclusion dont vous faites tant miroiter les bienfaits ?
Ces questions-là sont d’autant plus préoccupantes que vous raisonnez à moyens constants, voire en baisse, spécialement en matière de soins, de logement et d’éducation nationale dont chacun connaît l’actuel état des lieux.
La désinstitutionalisation et les « plates-formes de remplacement » indignent les professionnels de l’action médico-sociale qui œuvrent au quotidien et ensemble pour accueillir, entourer, soigner, réduire autant que faire se peut les effets du handicap, préserver les acquis et travailler à construire, quoique vous en disiez, de multiples passerelles avec la cité : scolaires, culturelles, sportives, citoyennes et avec le monde du travail, aussi difficile que ce soit !
Ne vous cantonnez pas aux avis des experts, Madame. Interrogez les professionnels de terrain, ils vous le diront.
En tout cas, Madame la secrétaire d’État, nous vous rappelons avec force que faire société, sans exclure ni stigmatiser les personnes en situation de handicap, ne suppose pas moins de places, mais bien au contraire de nombreuses places supplémentaires dans des institutions vivantes qui accueillent, protègent et prennent en charge, tout en étant constamment ouvertes sur la cité.
En réalité, votre priorité n’est pas d’améliorer les services rendus par le médico-social aux personnes mais de transformer son modèle économique.
Et pour ce faire, vous n’hésitez pas à déconstruire ce qui a été si difficile, notamment pour les familles, à réaliser et à faire vivre, à savoir : des lieux d’accueil, de soins et d’éducation pour leurs enfants en situation de handicap, que l’école ne pourra qu’exceptionnellement inclure ou qui ont simplement dépassé l’âge scolaire.
Avec votre conception de la solidarité, nous y perdrons tous, Madame, les enfants et les adultes handicapés d’abord, leurs familles, les professionnels du médico-social mais aussi les pouvoirs publics.
Ajoutons, Madame la secrétaire d’État que rien ne vous empêche, pour répondre à vos « préoccupations » d’inclusion, de travailler sans tarder à rendre notre société plus inclusive, par exemple, en ne réduisant pas à 10 % le nombre de nouveaux logements accessibles aux personnes handicapées, en imposant des directives claires sur les emplois protégés ou encore en maintenant des diplômes d’État de qualité pour les métiers du social comme du médico-social ; là, ce sont les supports de l’humain qui sont en jeu !
Sachez enfin, Madame, que face à vos allégations, nous continuerons à affirmer que c’est bien d’une place, d’une place réelle avec des professionnels, dont un enfant ou un adulte en situation de handicap a besoin et non pas d’une place fictive et « hors-sol » sur une plate-forme dite de services et de prestations avec, pour seul accompagnement, celui d’un gestionnaire de cas.
Marie ALLAINGUILLAUME, éducatrice
Cécile AUGUSTO VAZ, parent
Béatrice BENNEVAULT, pédopsychiatre
Arnaud BOURDON, accompagnement éducatif et social
Amarantha BOURGEOIS, parent
Catherine CALECA, psychologue
Michel CHAUVIERE, sociologue
Brigitte COUDIERE, infirmière
Sylvie CRUZILLAC, directrice de l’IME de Saint Germain Les Arpajon
Mireille DENOYER, chef de service dans le secteur médico-social
Roger DROUET, président de MAIS
Diane FACIOLLE, parent
Gabrielle GARRIGUE, éducatrice, formatrice
Mélina GENESTE, parent
Christiane HENRY, assistante sociale
Geneviève LANGLAIS, assistante sociale
Stéphanie LUNEAU, parent
Bernadette MARCHAL, infirmière diplômée d’État
Céline MARIN, chef de service dans le secteur médico-social
Nathalie MICHEL, secrétaire de direction
Isabelle NODIN, parent
Elizabeth OLIVEIRA SANTOS, parent
Séverine PEREZ, parent
Christine SOVRANO, formatrice, CGT Santé Action Sociale
Dominique TERRES, pédopsychiatre
Marie-Dominique THARREAU, éducatrice
Christine VAUGIN, parent
Béatriz WILCHES, psychologue
Christophe ZUCALLI, parent
Avec le soutien de l’Appel des appels, du Collectif Avenir éducs, du Collectif « d’une maison à l’autre », du MAIS (mouvement pour l’accompagnement et l’insertion sociale), de la CGT Santé social.
Contact : sosmedicosocial@gmail.com
Par Roland Gori, à lire dans Libération
Copyright © 2011 L'Appel des appels | Tous droits réservés - Contact