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Oui, ces dernières semaines, nous étions au bord de l’abîme, et les électeurs attachés à la démocratie ont fait faire au pays un bond salvateur en arrière ce 7 juillet. Mais après ce sursaut, ne nous y trompons pas, nous entrons dans le sursis. Si le NFP n’envoie pas un signal fort d’unité autour des revendications syndicales aux oubliés de la gauche, il obérera la dernière chance réelle d’éviter l’accession au pouvoir de l’extrême droite.
La campagne électorale a vu des professions de foi NFP comprenant la photo de Jean Luc Mélenchon, seul, en soutien à des candidats LFI. Ces pratiques ont mis en colère, ont découragé, et ont hypothéqué l’élection de candidats NFP, notamment dans des zones rurales, où l’image du leader LFI a eu un effet repoussoir. Ce fut le cas dans la 3ᵉ circonscription de la Sarthe.
Elles ont aussi provoqué la colère sourde des organisations syndicales qui ont appelé à voter pour le programme et les candidats du NFP. Cette colère n’a pas pu s’exprimer publiquement, tant il aurait été irresponsable de la mettre sur la place publique dans l’entre-deux-tours.
Mais cette colère est là et mérite qu’on clarifie la nouvelle relation qui vient de se créer entre le NFP et le mouvement social. Le Nouveau Front Populaire va-t-il, après ces élections, prendre la mesure de sa responsabilité ? Va-t-il mesurer combien l’implication syndicale dans cette campagne est nouvelle à l’échelle historique et combien elle a été et va être essentielle ? Jamais la CGT, lors des presque 90 ans passés, ni la FSU et Solidaires depuis leurs créations, n’ont appelé à voter pour un programme et des candidats aux élections.
Pourtant ce n’est pas une nouveauté de circonstance. Le syndicalisme s’est engagé, après plusieurs mois, voire années, dans un nouveau rapport au politique, conçu et exprimé lors des congrès de la CGT de la FSU et de Solidaires. C’est une position claire, confirmée par l’expérience du mouvement contre la réforme des retraites, de refus de l’apolitisme. Car il a en effet été patent que l’absence de débouché politique a empêché une victoire syndicale pourtant acquise dans l’opinion, portée par une unité historique des huit organisations syndicales représentatives. C’est enfin la conscience claire que la désorganisation massive du travail relève de choix politiques, notamment au travers d'idéologies managériales massivement mises en œuvre. Et qu’il n’est pas de liberté tout court sans liberté « au et » dans le travail.
Si elles refusent donc l’apolitisme, pour autant la CGT, la FSU et Solidaires restent sur une indépendance impérative face à toute organisation politique. C’est une position vitale pour le syndicalisme puisque ses adhérents sont d’origines idéologiques multiples et que le syndicat ne doit pas, pour rassembler large (ce sont des organisations qui se réclament de masse), établir de lien de soutien, de choix, pour une organisation particulière. Ces raisons sont celles qui fondent la Charte d’Amiens en 1906 à laquelle ces organisations continuent d’adhérer.
L’engagement dans le Front Populaire de la CGT, de la FSU et de Solidaires repose donc sur un soutien à une démarche d’unité autour d’un programme proche des plateformes syndicales, recentré sur le travail, les salaires, les pensions, les retraites, la fiscalité. En aucun cas à une option particulière de la gauche politique.
Si les organisations politiques arbitrent coutumièrement, dans leurs relations, entre le fond et les fonds, entre l’unité et l’hégémonisme, l’introduction dans l’équation de syndicats les oblige à agir dans l’unité. À ne pas le faire, elles mettraient les syndicats engagés en danger.
Demain ce qui se passerait si une volonté réitérée d’emprise sur le NFP advenait de la part d’une des forces de l’union, cela provoquerait pour les organisations syndicales une déstabilisation qui les conduirait assurément à retirer leur soutien à la démarche. Ce serait la fin du dernier espoir d’éviter le RN aux prochaines échéances électorales.
Ce risque bien réel impose une rigueur absolue d’union aux organisations politiques.
Le principe intangible pour le NFP est de s’unir sur le commun, au contraire de toute tentative hégémonique d’une de ses composantes.
Nous, syndicalistes, citoyens, attendons de vous, politiques, une réponse claire pour l’avenir.
Responsables et camarades politiques, le syndicalisme vous oblige !
Souvenez-vous en à chaque décision future !
Eric Demougin, membre du CA de l’Appel des appels, syndicaliste
(dont la responsabilité syndicale vient de s’arrêter ces derniers jours pour cause de départ à la retraite).
Par Roland Gori, à lire dans Libération
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