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Indignée par ce que l'actualité révèle de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, une artiste "se réveille", prend sa caméra et part chercher l'information auprès des principaux acteurs du sociodrame. Après deux ans de tournage, Nazarrena témoigne du réveil des consciences citoyennes et d'un nouveau monde en train de naître. Une démarche originale et porteuse d'espoir.
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Nazzaréna, vous êtes en train d'achever le tournage de votre premier documentaire “La Pandémie du Nouveau Monde: l'éveil des consciences citoyennes”. Qu'y a-t-il derrière ce titre énigmatique?
“La Pandémie du Nouveau Monde” est lié à l’éveil des consciences citoyennes qui se propage, comme une pandémie, pour aller vers un monde nouveau, des solutions et des alternatives. C’est une belle histoire que je vis depuis deux ans et demi, faite de rencontres extraordinaires, d’hommes et de femmes qui, par leur travail remarquable et leur énergie, sont dans le partage, l’échange, ouverts au champ des possibles.
Vous êtes artiste, auteure-compositrice-interprète, et vous écrivez des pièces de théâtre. Et vous étiez assistante de vie en gériatrie. Comment vous êtes-vous transformée en journaliste citoyenne?
C'est comme si l'arrivée du virus H1N1 avait fait éclater la bulle dans laquelle je vivais! Fin août 2009, je m’interroge et m’indigne lorsque j’entends parler de 94 millions de doses de vaccins. Je trouvais inadmissible cette idée de vaccination massive. J'ai envoyé 21 courriers adressés à mon maire, mon député, au gouvernement, et aux grands médias, dans lesquels j'exprime mes inquiétudes. Tous sont restés sans réponse. Que faire ? Attendre le virus ou me faire vacciner ? Je m'informe, je parle avec des médecins. Et je décide un jour d’aller chercher l’information sur le terrain, à la rencontre des individus. Je prends une caméra et je pars accompagnée d’un ami, Christophe, qui filme aussi.
Vous vous retrouvez dans la bousculade des journalistes télé et radio, au plus près de Roselyne Bachelot le jour où elle se fait vacciner devant les caméras, vous suivez ses conférences de presse, vous allez au Parlement européen...
Je rencontre différents médecins pour ou contre cette vaccination, des journalistes, des élus, des collectifs de citoyens qui s’interrogent sur les effets des adjuvants… C’est là que je découvre l’envers du décor, la scène où se joue l’épisode “H1N1”.
C’est-à-dire ?
Très vite, je réalise que l’avis contradictoire au principe de précaution a peu de place dans le débat. J'entends les questionnements et les inquiétudes des citoyens autour du vaccin, je vois l'organisation de collectifs pour agir. J'ai aussi été témoin de l'engagement des élus, par exemple de Michèle Rivasi et de son énergie à contourner les situations de blocage en trouvant d'autres moyens pour continuer d'avancer. Au fil du tournage et des rencontres, grandit en moi le sentiment que l'on pense et décide à la place des citoyens qui, pris dans le rythme de leur vie, n'ont pas le temps de "vérifier" ce que font les institutions. Les alternatives existent, pour sa santé comme pour son bien-être, mais on en parle très peu. Il est possible d'agir pour retrouver une plus grande liberté de choix. C'est ce constat qui m'a poussée à aller plus loin dans l'aventure du reportage.
Car vous dépassez le cadre du H1N1…
Le H1N1 a été en fait le révélateur d’un fonctionnement. A travers le cadre de la loi, de l’économie, et de la justice, je découvre que la santé est devenue un enjeu commercial, le corps une marchandise… Une fois la vague médiatique passée, je suis retournée voir un certain nombre de personnes pour suivre leur action et leur évolution personnelle. Sur deux ans et demi, les interviews se sont transformées en réflexion sur la place de l'homme dans la société: sa capacité d'agir, de créer, de décider de la façon de mener sa vie. Même les élus sont "sortis de leur habit". Artistes, médecins, philosophes, simples citoyens, tous se rejoignent, à partir de la réflexion autour du H1N1, sur une façon différente d'aborder notre place dans la société. C’est la nécessité de modifier notre regard sur notre capacité d'action dans la société si on veut qu’elle change. Certains intervenants dans le film, transformés par la profondeur de la remise en question, ont même depuis changé de vie.
Vous avez en effet rencontré Pierre Rabhi, agriculteur et philosophe, auteur de l'initiative "Tous candidats en 2012", ainsi que Roland Gori, professeur psychanalyste et auteur de l'Appel des appels, et bien d'autres personnalités… Quel est le "nouveau monde" dont elles parlent?
Un monde où une plus grande importance est donnée à l'humain, au citoyen. A sa capacité de s'informer, de choisir, et à son bon sens. Ce nouveau monde est en formation: les ressources humaines, les solutions créatives et intelligentes sont là. C'est une invitation à basculer de la perception d'un monde en crise dans lequel on se sent seul et impuissant face aux problèmes, à un monde où les synergies entre toutes les formes d’engagement reconstituent une trame sociale, relationnelle, dans laquelle l’individu retrouve sa capacité de choix et d’action pour mener sa vie. Plus des individus le vivront personnellement, plus ceux qui les entourent seront amenés à le vivre également. C'est ça, la pandémie! Et mon projet est là pour donner un peu de visibilité à ce monde qui naît.
Depuis 2009, vous avez réalisé 200 heures de tournage pour un documentaire destiné aux citoyens et qui va voir le jour grâce à leur participation financière.
C'est plus qu'un documentaire ou un geste financier, c'est un engagement. Aujourd'hui, c'est l'aboutissement de deux ans et demi de travail à deux, autofinancé. Dans cette logique de démarche citoyenne et participative, nous avons préféré faire un appel à souscriptions sur le site Ulule (voir fin de l’article). C’est une façon, pour les souscripteurs de ne pas rester spectateurs. De devenir acteurs. Les premières réactions sur Internet sont très encourageantes. Une fois monté, ce film a pour vocation d’être diffusé dans des salles pour des projections-débat où nous pourrons nous rencontrer, mais aussi à la télévision, afin qu’il soit visible le plus largement possible.
Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté?
Elle m'a transformée: je me suis éveillée au monde qui m’entoure avec la grippe H1N1! J'ai pris conscience que j'étais capable d’interviewer, d'aller vers les autres, sur des lieux où en général on ne va pas, et de réfléchir avec eux. Ca m'a donné de l'espoir. Quand on voit les richesses du monde dans lequel on vit, on retrouve la confiance en soi, on augmente ses possibilités de vie et de changement, et on se sent plus en sécurité. Je peux dire que ce petit virus m'a fait voir plus grand et au-delà!
Si vous souhaitez soutenir le documentaire « Pandémie du nouveau monde », vous avez jusqu'au 20 janvier pour y souscrire sur Ulule (le don se fait en quelques clics, à droite sur la page du site Ulule). Après cette date, il sera toujours possible de soutenir le projet, via le mail pandemienouveaumonde@gmail.com
Par Roland Gori, à lire dans Libération
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