L'Appel des appels, quelle visée ? Par Sébastien Firpi

Les journées de l’Appel des appels des 6 et 7 septembre 2019 à Marseille au Théâtre Toursky ont permis de rassembler. Qu’en tirer comme perspective ? De l’Assemblée Générale de l’association du 1er décembre 2018 à celle du 12 octobre 2019, une voie s’est tracée : De l’appréhension d’une extinction à une possible continuité. L’association perdure et de nombreux adhérents ont encore le désir de transmettre et de partager, une autre étape est envisageableLes journées de l’Appel des appels des 6 et 7 septembre 2019 à Marseille au Théâtre Toursky ont permis de rassembler. Qu’en tirer comme perspective ? De l’Assemblée Générale de l’association du 1er décembre 2018 à celle du 12 octobre 2019, une voie s’est tracée : De l’appréhension d’une extinction à une possible continuité. L’association perdure et de nombreux adhérents ont encore le désir de transmettre et de partager, une autre étape est envisageable. Le constat fait par l’Appel des appels il y a dix ans est confirmé, et une dégradation se poursuit. Quelle pourrait être la substance d’un prolongement pour l’association ? Des questions primordiales reviennent régulièrement depuis 2008 : Comment endiguer la déshumanisation de nos métiers encore plus prégnante aujourd’hui ? Qu’est-ce que l’Appel des appels peut soutenir comme nouvelle analyse, et que proposer pour agir ? L’Appel des appels, c’est un lieu de rassemblement qui permet de prendre la parole, une scène de témoignage et de partage. Cela peut être en premier lieu la sortie d’une solitude par l’expression d’une souffrance exténuante à vivre seul. Mais c’est aussi un lieu d’élaboration pour un au-delà de la dénonciation. De l’effet du dire, à une concrétisation d’oeuvrage, il n’y a peut-être qu’un pas. Nous pourrions penser ce lieu de l’Appel des appels comme un espace de pensée à situer dans un « entre-deux », entre la praxis de nos métiers respectifs et un repositionnement, entre éthique et politique. Il y a le lieu où chacun de nous exerce - travail social, soin, éducation, culture, justice, arts, information - et il y a le champ politique avec ses institutions. L’Appel des appels peut tenir une place de dialectisation qui peut être cette élaboration « entre ». Un lieu pour repérer comment élaborer une conflictualisation et permettant ainsi de ne pas confondre les espaces. Autrement dit, ne pas nous leurrer qu’il y a d’une part à faire jouer notre engagement au sein de chacun de ces champs, et d’autre part à assumer un choix concernant nos investissements politiques respectifs. Chercher continuellement à définir un objet commun pour œuvrer collectivement peut rester une réflexion toujours en cours, une réponse jamais totalement aboutie qui n’empêche en aucun cas par ailleurs un engagement citoyen. Se réunir, se parler, se confronter aux divergences qui forgent la pensée et ses productions inventives, c’est dépasser la dénonciation qui tourne court si elle reste esseulée. En attendre un consensus, n’est-ce pas une réponse illusoire à l’endroit même où une continuité à réfléchir peut s’aiguiser ? Se résigner, n’est-ce pas une défense et un leurre servant l’impossibilité de l’engagement ? Elaborer une « action » nécessite en premier lieu de faire groupe et de se compter. Pour cela ne devons-nous pas souhaiter de plus nombreuses adhésions à l’Appel des appels et essaimer continuellement notre désir commun d’engagement au travers des différents comités locaux ? Une scène pour la parole, c’est un sursaut politique, mais peut-être pas en lieu et place de la politique. Mettre au travail l’actualité et l’histoire de cette politique est ainsi une première action nécessaire. L’acte de pensée et de parole précède alors en cela peut-être l’action. Sur les bords du politique, sur les lisières d’une pratique engagée, se situe la place qui nous reste à penser pour agir. Assumons les lieux vers lesquels cela nous engage. Nous ne pouvons nier la difficulté de forger un collectif soudé dans le temps et la durée. Exigeons de questionner continuellement les fondations de ce rassemblement en supportant de ne jamais trouver un accord « entier », soutenant ainsi un chantier toujours en friche pour inventer. Oeuvrer dans le champ du social est un acte politique qui attend que quelque chose se passe, peut-être un peu plus au hasard que ce qu’on imagine. Ce n’est cependant pas : ne rien en faire. L’écrire pour le dire, le dire pour l’écrire : Nécessité d’une contingence à quérir ? Sebastien Firpi

Par Roland Gori, à lire dans Libération