COVID19 : la colère d’André Grimaldi

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Chers toutes et tous,

L’unité  du pays  pour respecter les consignes de confinement et
donner la priorité absolue aux soins et aux soignants est totale.

L’appel du chef de l’Etat à faire taire toute critique, voire  tout débat, apparaît au mieux inopportun, au pire inquiétant. Le temps viendra, nous dit-on. Mais quand ce temps sera venu, on risque fort  de nous dire: « l’heure est à pleurer nos morts et à reconstruire le pays dans l’unité. Le moment n’est pas à la polémique. Regardons l’avenir plutôt que le passé » . Reste que pour avoir et garder  la confiance des citoyens , il faut certes communiquer dans la transparence,mais  il faut aussi être capable de reconnaître ses fautes .

Traiter l’hôpital public comme une entreprise commerciale
devant se projeter dans le  marché mondialisé de la santé
c’était une faute, à vrai dire largement partagée  depuis plus
de 10 ans par les « décideurs » de tout bord politique.

On nous expliquait l’importance pour la France de  se positionner
sur le « tourisme médical haut de gamme » et de développer la conciergerie hospitalière (rapport de Jean de Kervasdoué en 2015 à la demande de Marisol Touraine). C’était le temps où l’hôpital Emile Muller de Mulhouse vantait son partenariat avec la société Happytal qui offrait « des services pour les patients ayant choisi la chambre particulière »… C’était en 2017. Il y a un siècle !

Pendant ce temps avoir supprimé les stocks de masques constitué en 2007, c’était une faute. Dire aujourd’hui que les masques sont inutiles sauf pour les soignants, c’est pire qu’une faute.

Avoir accepté depuis des années  les rupture régulières   de disponibilité de médicaments indispensables (anticancéreux, antibiotiques, cortancyl…) et avoir refusé de relocaliser en Europe la production des principes actifs de nombreux médicaments c’était une faute qui va se payer demain en drame  dans les services de réanimation.

On a le droit de demander que les moyens de l’économie soient mis au service de la santé et du soin par réquisitions immédiates . On réquisitionne les internes mais pas l’industrie! Pourquoi?

Tout cela  doit être dit pour ne pas être oublié quand la « guerre », qui n’en est pas une,  sera inévitablement gagnée. Mais en l’absence de traitement ou de vaccin, la crise risque d’être longue avec des rebonds.

Pour sortir progressivement du confinement,  il faudra des tests en masse et maintenir les gestes barrières dont font partie les masques. Cela pourrait demander plusieurs mois voire un an, si l’objectif final reste l’immunité collective, lorsque 70% de la population aura rencontré le virus. Plus rapidement si on avait  un traitement , mais l’équipe de l’Hôpital Saint Louis n’a pas retrouvé les résultats de l’équipe marseillaise sur médiatisés,  Certains  politiques qui ont exigé  le maintien du 1er tour  des municipales  réclament aujourd’hui le Plavix pour tous les patients.

Mais de la grande  crise peut sortir le meilleur. Après l’incendie repoussent les roses . Boris Cyrulnik a célébré la résilience heureuse.  Mais Serge Tisseron nous a rappelé que sur la terre brûlée  poussent aussi parfois des ronces … Le nationalisme , la xénophobie, le complotisme, l’antisémitisme refont surface. Mais il y a aussi des fleurs vénéneuses, comme le rapport de la Caisse des dépôts révélé par Médiapart. La reprise totale de la dette des hôpitaux en échange du retour des PPP »vertueux » et d’une grande fusion/confusion  public /privé.

Après tout, les grands bonds en avant vers une santé égalitaire et solidaire, « bien commun » , échappant aux lois du marché et à la main mise de l’Etat, l’ont été à l’occasion  de grandes crises sociales et politiques: 1945 la Sécurité sociale, 1958  les CHU  . Mais ces grandes réformes ont été portées par un mouvement, la résistance, et un programme, celui du Conseil National de la Résistance.

Toutes celles et tous ceux qui pensent que la Santé devrait  échapper aux lois du marché d’où qu’ils viennent , quoiqu’ils aient voté ces dernières années devraient se rassembler sans sectarisme autour d’un programme précis de reconstruction des services publics et notamment du service de santé.

Mais l’histoire récente nous a appris à nous méfier des mots. Il faut un contenu précis et des actes. Il faut revenir sur l’abrogation de la loi Veil de 1984 et sanctuariser les recettes  de la Sécurité sociale (qui ne peuvent pas fusionner avec l’impôt sur le revenu).
Il faut une Sécu 100%  pour un panier de prévention et de soin solidaire.
Il faut mettre fin au doublon avec les assurances privées dites
complémentaires qui remboursent 13% des soins mais ont des frais de gestion (7.5 Mds) plus élevés que ceux de la Sécu. Il faut revoir la gouvernance de la Sécu et donner une place aux professionnels et aux usagers, il faut revoir le mode de calcul de l’ONDAM à partir des charges et des besoins et pas à partir des règles budgétaires de l’Etat. Il faut créer des  entreprises à but non lucratif, nationales ou européennes, pour la production de médicaments et de dispositifs indispensables, il faut imposer aux industriels privés de la santé une transparence totale sur leurs coûts.
Il faut remplacer la concurrence entre hôpitaux publics et  établissements privés par la complémentarité dans la cadre d’une planification sanitaire, il faut développer et étendre la démocratie sanitaire  et revoir son articulation avec la démocratie sociale et politique, il faut que les modes de financement des établissements et de rémunérations des professionnels  favorisent l’application de la règle du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité . Il faut   que les salaires des personnels hospitaliers rejoignent le niveau moyen des pays de l’OCDE . Il faut une gouvernance hospitalière intégrant les soignants et les usagers
……il faut…..il faut….

Il faut que les Services publics qui font la République, soient inscrits dans la constitution.

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Amitiés
André

Par Roland Gori, à lire dans Libération