Charte de l'enfance sourde

Charte LSF et enfance sourde. Pour un véritable accueil et enseignement en LSF

A consulter et à signer ici.

Il y a près de 300 ans, l’abbé de L’Epée a instauré une véritable éducation en langue des signes et nous a appris l’importance de constituer des groupes d’enfants Sourds pour la vitalité de la langue des signes et le développement de la langue de ces enfants. Il a été reconnu depuis internationalement comme le symbole de la naissance des Sourds. Nous tenons à réaffirmer à l’occasion de la commémoration de sa naissance qu’un enfant sourd n’est handicapé ni de la parole ni de l’entendement, contrairement à ce que les « spécialistes » de la surdité affirment aujourd’hui !


Les enfants sourds entendent, avec leurs yeux, et s’expriment, parlent, avec leurs mains et cela avec autant de richesse et de facilité que le font les enfants entendant et s’exprimant dans une langue vocale.


L’ensemble des associations et personnalités signataires de cette Charte affirment qu’une filière de soin par le son et totalement médicale porte atteinte de plus en plus gravement à la transmission de la LSF dans l’enfance Sourde. Cela conduit à des désastres éducatifs et humains. La surdité n’est pas un problème de santé mais un problème de société. Nous constatons que seulement moins de 5% des enfants sourds scolarisés ont la LSF comme langue d’enseignement. La LSF est parfois présente dans les lieux d'éducation ou de rééducation mais le plus généralement de manière très réduite!


Nous saisissons dès maintenant toutes les instances habilitées à se prononcer sur cette situation ainsi que les divers médias et réseaux d'information afin de faire connaître les impasses qu'une telle organisation éducative produit en ce moment même.

Alors que la plupart des travaux, linguistiques, sociologiques et psychologiques, démontrent la nécessité pour l’enfant d’accéder le plus tôt possible à cette langue, la quasi totalité des enfants sourds ne peut toujours pas la rencontrer. L’orientation éducative actuelle a détruit les groupes d’enfants sourds en les plaçant seul en intégration dans leur école de quartier. Cela conduit à la fois à isoler ces enfants d’une relation enrichissante avec leurs pairs et à détruire par là même la vitalité de la LSF Or, si nous voulons que les enfants sourds accèdent au français écrit dans toute sa richesse littéraire, il est indispensable de constituer des groupes d’enfants signeurs parlant une LSF de grande qualité.


Ainsi, alors qu’a été très largement démontré combien la pratique précoce de la LSF favorisait le désir d’aller vers d'autres formes langagières orales ou écrites, nous assistons à la mise en œuvre de sa disparition effective.
Au delà des discours, la législation actuelle en matière de « libre choix de communication » se révèle donc dans les faits inégalitaire et discriminatoire puisque ne mettant pas en place les véritables conditions d’accès à cette langue pour les familles et pour les enfants sourds eux-mêmes.


Nous refusons de nous taire devant une telle situation. Ceci concerne le processus d’humanisation, de socialisation de toute une génération d’enfants et nous interpelle tous au delà de la question de la surdité!


La constitution de groupes d’enfants signants ainsi que la présence de professionnels sourds compétents auprès d’eux doivent être respectées et valorisées ainsi que l'ont déjà compris d'autres pays. En instituant cette dimension de groupe nous construisons effectivement le respect de la différence et non pas comme actuellement la mise en avant du déficit ! Pour que les enfants entendants puissent aussi apprendre cette langue, elle doit être vivante et donc parlée par des locuteurs signant réunis dans des groupes conséquents. Ceci permet de faire naître un nouveau regard sur ceux qui parlent autrement et qui par leurs différences langagières enrichissent tous ceux qui les rencontrent.


Nous en appelons donc à penser un véritable accueil de la différence et à construire une réelle éducation en langue des signes française au sein des dispositifs éducatifs de notre pays.


Nous nous élevons contre une tentative infondée et injustifiée d’assimilation de la surdité à une maladie et des Sourds à des malades à soigner par le son et appelons les législateurs à ne pas céder à des lobbies impulsant ici indûment des perspectives sanitaires inappropriées.


Nous refusons la situation actuelle qui prive l'enfant sourd de la langue des signes vers laquelle il est attiré très précocement, langue qui lui est nécessaire pour prendre parole très tôt, s'instruire ainsi que tous les autres enfants et aller ensuite vers d’autres univers langagiers.


Nous demandons au plus vite :


Que des dispositifs de groupes conséquents d'enfants sourds bénéficiant d’un véritable enseignement en LSF se mettent réellement en place sur tout le territoire français.
Que tous les parents qui le souhaitent puissent recevoir gratuitement une formation en langue des signes française et que les enseignants Sourds bénéficient d’un véritable statut d’enseignant correspondant à leurs compétences.
Que des modalités d’accueil et d’éducation favorables aux langues signées et inspirées de ce qui existe déjà ailleurs s’inscrivent au plus vite dans le droit français.

Avec IVT, FNSF, APES, 2LPE et AFILS


1. Philippe Boyer (FNSF)

2. Emmanuelle Laborit (IVT)

3.Patrice Dalle (ANPES)

4. Hatice Aksen (2LPE-Bp)

5. Guylaine Paris (AFILS)

6. André Meynard (psychanalyste)

7. Catherine Vella (ANPES et 2LPE)

Par Roland Gori, à lire dans Libération