Article du Monde : « Les vaccins contre le Covid-19 sont un bien commun, ils ne peuvent appartenir à personne »

Le psychiatre franco-brésilien Carlos Parada appelle, dans une tribune au « Monde », à ne pas respecter les délais des brevets pour endiguer le plus vite possible l’épidémie, rappelant l’exemple du Brésil et de l’Inde, qui avaient distribué gratuitement le générique de l’AZT pour enrayer l’épidémie de sida.

Tribune. A situation exceptionnelle, remède exceptionnel, dit-on. Normalement, il faut dix ans avant qu’un médicament soit autorisé à la vente, puis encore dix ans de commercialisation par un seul exploitant avant que le brevet ne tombe dans le domaine public sous l’appellation de « générique ». Ce terme désigne un produit libre de droits et accessible à tous.

Voilà qu’avec le Covid-19 l’humanité traverse une crise sans précédent dans son histoire. Des remèdes il y en a, mais pas assez et pas pour tous, puisque seuls quelques industriels possèdent les brevets avec le droit de les produire. Un droit acheté pour jouir de vingt ans de monopole. Un droit dépassé par le moment historique et qui ne tient pas compte de la catastrophe actuelle. Le délai de vingt ans de monopole privé appliqué aux vaccins anti-Covid-19 serait si absurde, si peu adapté à la situation planétaire, que seules nos ornières idéologiques nous empêchent de le remettre en cause. Nous ne pouvons pas attendre vingt ans.

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Le monopole industriel des vaccins est dangereux et il est injuste. Il est dangereux parce que nous perdons un temps précieux. Outre le prix financier, le système de production et de vente de quelques industries privées n’arrivera jamais à suivre la cadence. A ce rythme, pendant trop longtemps un nombre insuffisant de personnes sera vacciné et le virus du Covid-19 continuera à circuler, à tuer et à muter partout sur la planète. Avec ces mutations, d’autres vaccins pourraient être nécessaires, d’autres traitements seraient à inventer, à produire et à acheter au prix fort.

Hiérarchies entre les êtres humains

Mais surtout, des formes bien plus agressives du virus pourraient apparaître. Il est vrai que nous nous sommes déjà habitués à bien des choses depuis le début de cette épidémie. Comment réagirons-nous le jour où, par une mutation, le Covid-19 se mettra à tuer des jeunes et des enfants ? Plus le temps passe, moins nous vaccinons sur les cinq continents, et plus nous risquons des mutations aléatoires que nous n’avons pas prévues.

 

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Par Roland Gori, à lire dans Libération