« Les défenseurs de la “grande Sécu” n’ont pas dit leur dernier mot »

A lire dans le journal Le Monde

 

Un collectif de soixante-neuf professionnels de santé, chercheurs et personnalités de l’éducation populaire et de la culture proteste, dans une tribune au « Monde », contre le risque d’enterrement de la réforme de la Sécurité sociale sous la pression des assureurs et des mutuelles.

Tribune. L’annonce d’une prochaine « grande Sécu » par le ministre de la santé, Olivier Véran, à six mois de l’élection présidentielle, avait suscité l’espoir de ceux qui, depuis plus de dix années, dénonçaient le caractère économiquement irrationnel et socialement injuste du « double payeur » pour un même soin, et prêchaient dans le désert.

Hélas, la douche froide n’a pas tardé : M. Véran aurait déjà abandonné l’idée. Le tir de barrage nourri des acteurs de la complémentaire santé semble avoir emporté la décision. Les défenseurs de la « Sécu » n’ont cependant pas dit leur dernier mot. C’est à nous de nous mobiliser.

Souvenons-nous de l’accord national interprofessionnel [effectif depuis le 1er janvier] 2016, sous un gouvernement de gauche, qui instaurait une complémentaire santé d’entreprise pour tous les salariés, moyennant des niches fiscales qui venaient ajouter au mitage de l’impôt.

Poursuite du désengagement

Ce dispositif, présenté comme une « grande avancée sociale » en contrepartie de la dérégulation accrue du marché du travail, a été perçu comme la poursuite du désengagement de la Sécurité sociale au profit d’organismes qui, bien que se réclamant de la solidarité, se calaient sur les pratiques assurantielles les plus banales – sélection des risques, tarification à l’âge et à la famille –, loin de la solidarité instaurée par les fondateurs de la Sécurité sociale.

Thomas Saunier, directeur général de l’assureur complémentaire Malakoff Humanis, a vendu la mèche puisqu’il a distingué la « Sécu », emblématique de la « solidarité », des organismes maladie complémentaires, relevant de la « liberté » (Le Monde du 18 novembre). Pour autant, il faut rappeler les faits historiques, loin de la communication des groupes qui s’opposent, de tribunes de presse en plateaux de télévision, au projet de « grande Sécu ».

Les fondateurs de la « Sécu », Pierre Laroque et Ambroise Croizat, souhaitaient dès 1945 généraliser le régime d’Alsace-Moselle à l’ensemble du pays, et ce malgré le traumatisme de l’invasion allemande. Autrement dit, ils désiraient, comme Keynes à propos des rentiers, l’euthanasie de la mutualité. Certes le mouvement mutualiste a suppléé aux défaillances de l’Etat avant-guerre (même si des projets d’assurances sociales obligatoires ont vu péniblement le jour, mais en restant restreints dans leur ambition).

 

Lire la suite dans le journal Le Monde

Par Roland Gori, à lire dans Libération