Droit d'opposition et fichage des enfants: comment le ministère s'assoit sur un jugement du Conseil d'Etat

http://retraitbaseeleves.wordpress.com/2010/10/14/comment-ministere-sassoit-jugement-conseil-detat/

CNRBE, 14 octobre 2010. Le ministre de l'Education nationale (MEN), comme en témoigne une note de service en date du 7 octobre publiée ce matin (*), donne consigne aux inspecteurs de refuser le droit d'opposition des parents, tentant d'annuler l'effet d'une décision du Conseil d'Etat. Il continue d'immatriculer les enfants dans la BNIE alors qu'elle est actuellement annulée en attendant que le ministère la mette en conformité avec les injonctions du CE.

Rappelons que le fichier concerne tous les enfants de France, quel que soit leur type de scolarisation : écoles publiques, écoles privées, établissements spécialisés, écoles itinérantes, à domicile, à l'étranger, hôpital, CNED. Le Conseil d'Etat a rendu, le 19 juillet dernier, un jugement concernant Base élèves et la Base nationale des Identifiants Elèves (BNIE) annulant notamment les dispositions qui interdisaient l'exercice du droit d'opposition des parents pour des «motifs légitimes».

Ce droit d'opposition n'aurait pas dû être refusé depuis 6 ans ni par le ministère, ni par la CNIL. Or ce droit "retrouvé" est déjà bafoué! Les consignes du ministre se traduisent sur le terrain par un florilège d'injonctions absurdes et illégales dont voici quelques exemples:

des parents et enseignants sont menacés de suppressions de classes ou de fermeture d'école au prétexte que les enfants non inscrits dans Base Elèves ne seraient pas comptabilisés dans les effectifs de rentrée ! Ce chantage est absurde : début septembre les directeurs d'école font remonter les effectifs chiffrés, car Base Elèves fonctionne très mal à la rentrée (problèmes de doublons, de radiations non effectuées...);

des inspecteurs de circonscription demandent aux directeurs : «Dans le cadre du constat des effectifs réalisé sur Base Elèves 1er degré, vous serez peut-être saisi par des parents qui font valoir leur droit d'opposition. Il convient, dans une telle situation, que vous assuriez la saisie des élèves et que vous informiez ces parents que leur droit d'opposition s'exerce auprès de Madame l'Inspectrice d'Académie à laquelle ils adresseront une demande circonstanciée fondée sur des motifs légitimes.» Inscrire avant même la prise de connaissance des motifs !

des inspecteurs de circonscription demandent aux directeurs de menacer les parents qui s'opposent de ne pas inscrire leurs enfants. Cette menace est sans fondement: ce sont les maires qui procèdent à l'inscription des enfants, les directeurs ne font qu'admettre les enfants dans les écoles. Elle sous-entend cependant la suppression des allocations familiales : ce chantage est une atteinte grave à un droit fondamental des enfants, le droit à l'éducation;

des Inspecteurs de circonscription viennent dans les écoles recueillir les données personnelles des enfants, pour rentrer eux-mêmes les renseignements dans la Base Elèves, au mépris des lettres d'opposition des parents, en allant parfois jusqu'à courir après les enfants pour les interroger ! (**)

des Inspecteurs d'Académie tentent de décourager les parents en exigeant que leurs demandes, initialement adressées aux directeurs d'école, soient réécrites à l'adresse des Inspecteurs d'Académie. Ceci est contraire aux pratiques administratives;

des Inspecteurs d'Académie expliquent que le fait que le Conseil d'Etat ait maintenu le dispositif pour le bon fonctionnement du service public est la preuve que des parents ne peuvent pas s'opposer à ce dispositif. Alors que le Conseil d'Etat a rétabli le droit d'opposition des parents ... pour le bon fonctionnement du service public;

un Recteur envoie aux Inspecteurs de chacun des départements de son académie une lettre type à compléter pour rejeter les demandes d'opposition des parents;

(Retrouver sur la version web quelques unes de ces directives qui contournent les arrêts du CE - provenant des académies de Nantes, Amiens, Toulouse, etc.)

Le CNRBE constate que le MEN persiste dans son entreprise illégale de fichage de l'enfance, utilisant tous les moyens, y compris les plus déloyaux.

Le CNRBE demande que cesse le harcèlement quasi quotidien envers les directeurs d'école qui se conforment au jugement du Conseil d'Etat et aux recommandations du Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU en n'utilisant pas la Base Elèves.

Il est prouvé une nouvelle fois qu'un fichage généralisé des enfants ne peut qu'être source de contestation et de mesures qui rompent la confiance entre les parents et le ministère.

Le CNRBE appelle plus que jamais les parents d'élèves à exercer leur droit d'opposition, rétabli par le Conseil d'Etat, sans se laisser décourager par des chantages illégaux et sans légitimité aucune.

(*) Un document sur lequel le CNRBE reviendra très prochainement.

(**) Lire aussi ce qui s'est passé le mois dernier dans une école du Vaucluse: "Mais où est né Paul?"

En savoir plus:

- Après les deux arrêts du CE du 19 juillet (20/7)

- Appel aux parents pour qu'ils exercent leur droit d'opposition (13/9)